Winston Churchill et la naissance de l’idée européenne

Le 19 septembre 1946, Winston Churchill prononce un discours à l’Université de Zurich qui sera plus tard considéré comme un tournant dans l’histoire de l’Europe. À peine un an après la Seconde Guerre mondiale, le continent est entièrement à reconstruire. Churchill encourage les dirigeants à tourner le dos aux horreurs du passé et soutient que l’Europe ne peut se permettre de répéter les mêmes erreurs. Il propose alors une solution audacieuse : unir les pays d’Europe afin d’assurer la paix, la stabilité et la prospérité. À l’occasion de ce discours, il prononce cette phrase restée célèbre : « Il nous faut bâtir une sorte d’États-Unis d’Europe ». Ce faisant, il ravive une vision ancienne reformulée au fil du temps par plusieurs générations de penseurs et de dirigeants politiques. Selon lui, la clé réside dans un partenariat renforcé entre la France et l’Allemagne, deux pays dont la rivalité a nourri des décennies de guerre.

PREMIÈRES VISIONS

Dès 1713, l’abbé de Saint-Pierre, dans ses Mémoires pour rendre la paix perpétuelle en Europe, imagine une alliance des princes chrétiens qui se regrouperait en un conseil supranational chargé de prévenir les guerres.
Le XIXᵉ siècle redonne vie à cette idée. Après les révolutions de 1848, de nombreux penseurs voient dans la fédération européenne le prolongement naturel des idéaux républicains. Victor Hugo devient, sans doute, le plus célèbre défenseur des « États-Unis d’Europe ». Lors du Congrès de la paix à Paris en 1849, il affirme qu’un jour viendra où les guerres entre nations européennes paraîtront aussi impensables que des guerres entre provinces françaises.
Cette vision ressurgit à l’issue du désastre de la Première Guerre mondiale. Dans les années 1920, Léon Trotski appelle à la création des « États-Unis d’Europe » comme moyen de stabiliser le continent et d’intégrer la Russie dans un cadre européen plus large. À la même époque, l’écrivain autrichien Stefan Zweig, horrifié par la montée du nazisme dans son pays d’origine, plaide aussi pour une Europe fédérale.
L’une des tentatives politiques les plus abouties intervient en 1929, lorsque le ministre français des Affaires étrangères Aristide Briand présente devant la Société des Nations un projet de « lien fédéral » entre les nations européennes, projet qui, cependant, ne verra pas le jour.

L’HÉRITAGE DE CHURCHILL

Pour de nombreux historiens, le discours de Zurich marque le point de départ du processus qui conduira à l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui. En 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est créée par la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Allemagne de l’Ouest, à l’occasion du Traité de Paris. Ce traité a donné corps à la vision exposée par Churchill, transformant d’anciens ennemis en partenaires économiques grâce à la mise en commun de la production de charbon et d’acier. Il a posé les bases de l’Union européenne et introduit le principe de supranationalité.

ACTUALITÉS ET CONCLUSION

En mai 2012, l’ancien Premier ministre belge et fédéraliste convaincu Guy Verhofstadt affirma que les dirigeants européens seraient « contraints » de se diriger vers un État fédéral s’ils voulaient sauver l’euro. La même année, la chancelière allemande Angela Merkel exprima son soutien à la création d’un ministère européen des finances, mais restreint à un groupe limité d’États membres. Le président François Hollande se montra, quant à lui, frileux à ce projet.
Les « États-Unis d’Europe » demeurent un projet vivant, quoique controversé, qui refait surface chaque fois que l’Europe traverse une crise de fond. Quelle que soit la thématique, l’argument en faveur d’une intégration plus poussée reprend la même logique que celle exprimée par Churchill à Zurich : l’Europe ne peut garantir la stabilité et la démocratie que par l’unité.

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